Il est sans conteste l'un des toreros les plus sympathiques du circuit. Aimable et toujours disponible ; le signe des plus grands. Diego Urdiales est pourtant de ceux qui ont mangé leur pain noir, avec plusieurs temporadas sans trop savoir si toréer n'était pas un rêve. Invité de la peña Alegria, demain soir aux halles, le torero nous parle de sa profession : matador de toros.
« Sud Ouest ». Être matador de toros, est-ce, pour vous, une profession ou une passion ?
Diego Urdiales. Être torero, novillero ou matador, c'est un peu des deux. Même si c'est notre travail, c'est avant tout une aficion, une passion. Il faut avoir une vocation spéciale pour rêver de devenir torero. Chaque jour, du moment où tu te lèves jusqu'à ce que tu te couches, tu ne penses qu'aux toros.
D'où vient votre vocation ?
En plus des autres jeux que font les enfants, mon frère aîné et moi aimions « faire le toro ». Cela vient sûrement du fait que mon père nous amenait voir les novilladas du Zapato de Oro d'Arnedo ou des courses dans d'autres arènes de la Rioja. Les jours de corridas télévisées, nous allions également chez mon grand-père où celui-ci nous attendait avec un goûter.
Arrivez-vous à vivre, économiquement parlant, de la tauromachie ?
Depuis quelques saisons, j'arrive heureusement à faire vivre ma famille grâce à la tauromachie. Ce n'était pas forcément le cas lors de mes premières années de matador de toros. J'ai ainsi commencé très jeune à travailler. Et après avoir fait un peu de tout, je suis devenu peintre. Sur les murs, parce que sur les toiles, je ne sais pas qui aurait voulu de ma peinture. Vivre en torero, c'est bien, mais il est important d'avoir les pieds sur terre.
Durant ces années difficiles, avez-vous pensé à arrêter de toréer ?
Quand tu ne sais pas la prochaine date à laquelle tu t'habilleras de lumière, tu passes forcément par des phases de doute. Certains arrivent à se dire qu'il faut mieux arrêter. Moi, je n'ai jamais osé sauter le pas. Même quand je n'avais aucun contrat en vue, je continuais de m'entraîner au quotidien, une fois mon travail terminé, dans l'espoir qu'un organisateur me donne une chance. Finalement, ma persévérance m'a donné raison et la tauromachie me donne de quoi faire vivre ma femme et ma fille, Claudia.
Ressentez-vous les effets de la crise économique, particulièrement violente en Espagne ?
Il s'agit d'une situation difficile qui touche tout le monde, et même le monde de la tauromachie. Personnellement, ma saison a été plus ou moins égale avec les précédentes, avant qu'il n'y ait la crise. J'ai la chance de toréer essentiellement dans les grandes arènes, où la crise se fait moins sentir que dans les pueblos. Il y a en revanche une trop grande disparité entre les cachets des figuras et ceux des autres toreros… Mais ça, nous n'y pouvons rien, si les empresas acceptent ces conditions. La tauromachie est une profession surprenante. Parlez-nous de ce que vous avez vécu le 28 août dernier. C'est le jour où j'ai remplacé au pied levé Miguel Angel Perera, forfait car victime d'une fracture d'une vertèbre. J'étais chez moi, à Arnedo, en train de faire déjeuner ma fille, quand Pablo Chopera, l'empresa de Bilbao, m'a appelé pour me proposer de remplacer Perera lors de la corrida de 18 heures. Au début, j'ai cru à une blague, mais je me suis rappelé que Miguel Angel avait été durement remué à Saint-Sébastien, quelques jours auparavant. Vu que tous mes costumes étaient chez mon mozo, à Madrid, j'en ai pris un vieux, que j'avais remisé dans une armoire tellement il est usé. J'ai appelé El Victor, mon banderillero qui vit à Calahorra ; le seul qui pouvait être à l'heure à Bilbao. J'ai préparé mes affaires et je suis parti. Pour ne pas perdre de temps, je me suis habillé à l'infirmerie, Ponce et Fandiño ont demandé à leurs banderilleros de m'aider en piste. C'était dur, mais cela reste une expérience inoubliable dans l'une de mes plazas préférées.
o Esta entrevista aparece hoy en el periódico francés Sudouest y la foto es de DAVID LE DÉODIC